8/02 Seisme étudiant : Nous continuons- Lutte jusqu’à la victoire

La manifestation du 8/02

La manifestation nationale des étudiants, qui ont convergé à Athènes depuis toutes le villes universitaires de Grèce, le jeudi 8/02 est imposante et d’une importance politique majeure. Deux remarques sont essentielles :

Α. La participation a atteint, voire dépassé, le 20 mille manifestants. Cela veut dire que notamment la participation des étudiants d’Athènes, où objectivement se situe le centre du mouvement, a dépassé le nombre des participants aux AG de la semaine passée. Cela démontre que la majorité écrasante des étudiants embrasse cette lutte et cela donne une propulsion puissante pour sa continuation.

Β. Le moment de cette crue de participation est particulièrement crucial. Car la semaine dernière,  le gouvernement a tenté de passer à l’offensive et en finir avec le mouvement. D’abord, avec l’invasion des CSR dans l’occupation de la faculté de Droit à Komotini. Deuxièmement, avec la présentation du projet de loi. Contre cette offensive, le mouvement étudiant s’est levé et ainsi il a réussi à passer encore un cap et une épreuve, comme, il avait réussi à passer un autre cap, quelques semaines avant, avec la convocation d’AG massives et la consolidation des occupations, en déroutant l’appareil détestable de la DAP.[1]

Des pas politiques considérables

Cette manifestation imposante révèle aussi des processus plus profonds. Encore une fois, ceux-ci opéraient de manière sous-jacente et moléculaire ou demeuraient cachés en tant que potentialités. Encore une fois, ces processus sont parus au grand jour de manière soudaine, en réfutant tous les prophètes de malheur, toutes les Cassandre du défaitisme et du scepticisme, qui estimaient Mitsotakis tout-puissant et dominant. En démentant les projets de la Nouvelle Démocratie pour un hiver facile, durant lequel elle allait enchaîner en rafale tous les projets de lois réactionnaires. En repoussant les desseins de tous les partis bourgeois (SYRIZA, PASOK), ainsi que ceux des réformistes et « radicaux » (KKE[2], MERA25[3]) pour un déroulement fluide et imperturbable de toute leur activité jusqu’aux élections européennes en juin.

En un seul mois, depuis le début des occupations, les évolutions sont rapides, sinon effrénées, et le chemin que les étudiants ont parcouru et le progrès qu’ils ont réalisé dans leur conscience et leur pratique, semblent si grand, à donner du vertige.

Premièrement, la condamnation générale des universités privées, contre toute la propagande gouvernementale, est devenue inébranlable et elle « bétonnée »

Deuxièmement, c’est évident que les étudiants n’ont pas seulement une sensation vague mais une compréhension nette et précise et qu’ils ont fait des constats fondamentaux. Pas seulement concernant les universités privées, mais concernant toute la politique des privatisations, de l’inflation, de la pauvreté et de la misère. Concernant Mitsotakis et ses pareils, qui leur préparent un avenir d’injustice, de misère et d’humiliation, dans lequel ils seront esclaves et/ou clients. Concernant ces gouvernements et leur caractère illégal et leur manière de gouverner avec des coups d’état de toute sorte (contre la Constitution, le Parlement, coups d’état politiques, répressifs etc).

Troisièmement, sur cette base, c’est manifeste que la lutte étudiante s’est unifiée objectivement avec la lutte des agriculteurs. La coïncidence avec les grandes mobilisations des agriculteurs dans l’Union Européenne (où a lieu d’ailleurs un nouveau cycle de grèves et de luttes ouvrières) n’est pas dû au hasard, ainsi que la coïncidence avec l’humeur sociale ambiante, qui rejette la politique du gouvernement Mitsotakis. Il s’agit d’un problème de taille pour le gouvernement et c’est pour cela que celui-ci souhaite mettre en sursis son conflit avec les agriculteurs, en entrant à des pourparlers et en leur distribuant, peut-être, quelques miettes.

C’est pour cela que la lutte étudiante rencontre la pleine sympathie et un soutien sans équivoque chez les couches populaires, malgré le fait que cette situation peine à se manifester ouvertement dans des mobilisations communes dans la rue, à cause de la politique compromise et scissionniste de la bureaucratie syndicale. C’est pour cela que le gouvernement ne peut pas fermenter d’hostilité contre les étudiants dans la société, comme d’ailleurs il n’arrive pas à le faire contre les agriculteurs. Voilà pourquoi il lui reste seulement les tentatives de dénigrement et de répression.

Quatrièmement, la persistance et l’endurance de la lutte étudiante et le soutien général chez les étudiants eux-mêmes sont les raisons principales, qui poussent une grande partie du personnel des universités (comme la fédération des professeurs universitaires, etc) à se ranger avec eux, plus ou moins chaleureusement, ou à prendre des distances de l’intimidation gouvernementale. L’effort du gouvernement de transformer le personnel des universités en mouchards pour entamer les étudiants est un échec.

Un bloc large de lutte

Sur ces bases, un bloc large de lutte s’est formé par des milliers d’étudiants. Ce bloc large n’est pas cristallisé autour d’une fraction politique chez les étudiants ou autour d’une force politique. Il n’est pas non plus cristallisé autour de structures d’auto-organisation du mouvement, autour d’une ossature de comités d’occupation et de coordinations. Pourtant, ce bloc large de lutte est absolument existant et visible : il se matérialise principalement en des AG, en des manifestations, en des décisions d’occupation (mais beaucoup moins en une participation active dans les occupations), il s’est déployé en puissance le 8/02, il soutient et exige la continuation de la lutte.

Avec ce mouvement étudiant (parallèlement avec les mobilisations des agriculteurs), les processus sociaux et politiques latents ont commencé à émerger et passer, même partiellement, du potentiel  au réel, et un nouveau chapitre s’ouvre pour l’avancement de la politisation et de la radicalisation de la jeunesse. Un chapitre promettant pour commencer à dépasser les problèmes et la crise qui pèsent sur le mouvement étudiant (et pas seulement) après la défaite que SYRIZA a imposée aux travailleurs et aux couches populaires pauvres en 2015. Un nouveau chapitre, avec les possibilités suivantes et ayant comme point de départ ceci :

  1. a) Un dépassement plus permanent des « solutions » et des logiques individuelles et individualistes. Une reconnexion plus stable des jeunes avec les traditions militantes du mouvement étudiant : unions et syndicats étudiants, AG, structures d’auto-organisation, luttes, etc
  2. b) La formation d’un nouvel avant-garde, d’une nouvelle génération de militants, qui jouera un rôle crucial au combat contre le régime actuel, pour une issue de la crise du système capitaliste.

Ce processus ne sera pas facile. Pendant longtemps, il sera pénible et tortueux. En grande partie, sa consolidation et son développement dépendra de la qualité des politiques qui vont l’emporter. C’est pourtant incontestable qu’un premier pas important a été fait.

Le gouvernement coincé… mais dangereux

Le gouvernement et Mitsotakis commencent à être sérieusement coincés. Ils ont mesuré leurs forces et ils ont constaté qu’ils sont isolés : DAP a été anéantie dans les facultés. La tentative, digne d’un dictateur du tiers-monde, d’aligner les professeurs des universités et les autres membres de la communauté universitaire contre les étudiants n’a pas réussi. L’écrasante majorité, pas seulement des étudiants, mais aussi de leurs familles et de tout le peuple, ne croit même pas un mot de cette propagande acharnée sur la prétendue amélioration des universités et sur la fameuse « interprétation légale » de la violation/annulation de l’article 16 de la Constitution.

Pourtant, le gouvernement n’est pas encore défaite ni paralysé. Il vise à l’emporter, retranché derrière sa majorité parlementaire, derrière les CRS et sous couverture du silence, acheté au prix fort, imposé par les médias. Il entend voter le projet dans 20 jours, même avec la présence de plusieurs milliers de personnes dans la rue. Il souhaite, ainsi, asséner le mouvement étudiant  d’un fait accompli. Pour mener à bien ce plan, il compte -et il a tout à fait raison de sa part- sur deux facteurs :

α) Il compte sur la politique timide et scissionniste de la bureaucratie syndicale de toutes les nuances, qui bloque une généralisation prompte du front et du conflit avec des grèves. Ce n’est pas seulement le soutien que le gouvernement reçoit de la part de la bureaucratie embourgeoisée de la GSEE[4], qui a déclaré une journée de grève nationale le 17 Avril. Ce sont aussi les pas hésitants et nonchalants des ADEDY,[5] OLME[6], DOE[7], qui n’attrapent pas l’opportunité pour transformer cette lutte en lutte de toute l’éducation et ainsi en finir une fois pour tous avec « l’évaluation » réactionnaire des enseignants. Il faut ajouter aussi les projets répréhensibles du Centre Ouvrier d’Athènes[8] pour une grève le 28/02, déclarée assez sèchement, sans que personne dans la direction précise comment on va y arriver et surtout quoi faire après.

β) Le gouvernement compte sur la politique de tous les partis du parlement, sur leur consentement profond ou sur leur opposition handicapée. Le gouvernement et Mitsotakis savent très bien qu’aucun de partis du parlement ne se reconnaît dans les étudiants, ne veut que la lutte aille jusqu’à la fin et n’a l’audace politique de soutenir cette lutte jusqu’à la victoire. Ils savent très bien que tous les partis du parlement soit sont des ennemis du mouvement étudiant soit ils convoitent seulement les votes que celui-ci pourrait apporter.

En sachant tout cela, le gouvernement et Mitsotakis envisagent à l’emporter, comme Macron l’a déjà fait en France, durant la longue bataille de retraites. Même si il s’agit d’une minorité isolée, le gouvernement va regimber, va se retrancher derrière les CRS et les médias, dans le Parlement, il va se montrer inflexible, avec une détermination acharnée de classe, et nous présenter la loi votée comme fait accompli. Il projette d’avoir le dernier mot, laissant les salariés et les jeunes en stupeur.

Comment on continue

Toute la discussion concernant la continuation et la culmination du mouvement doit s’affronter à ce projet du gouvernement. Cette discussion doit focaliser la-dessus et y apporter des réponses. Des propos grandiloquentes du genre « le gouvernement est déjà défaite » ou « on va culminer le mouvement en cas où ( ???) le projet est soumis au Parlement », qui viennent principalement du côté du KKE, n’aident pas et instaurent une confusion dangereuse. Ces propos minent la accumulation de forces et ne permettent pas le développement de la fermeté indispensable pour les semaines prochaines décisives. Ainsi, ces propos sapent la lutte, qui approche un tournant.

Nous devons exiger à toutes les forces politiques au sein du mouvement étudiant de se prononcer : Certes, si le projet n’est pas déposé au Parlement, alors nous avons gagné et nous rentrerons dans une nouvelle période, mais le problème est ceci : Quoi d’autre nous devons faire à l’approche des jours cruciaux, quand le gouvernement déposera le projet au Parlement pour le voter? Qu’est-ce qu’on fera en cas où le projet, même à feu et à sang, est voté.

Sur tous ces sujets brûlants, nous devons dès maintenant préparer la réponse du mouvement : quoi qu’ils fassent dans le Parlement, nous irons, avec des occupations, jusqu’à la victoire ! Même pas un demi-mot, qu’on « a gagné », juste pour aller aux élections étudiantes ou européennes.

Le rôle perfide de la KNE

La PKS/KNE[9] s’est retrouvée à jouer à un rôle, dont elle ne se réjouit pas, essayant de marcher en équilibriste, mais de plus en plus maladroitement.

D’un côté, le mouvement a débordé ses projets pour une durée limitée et une mobilisation contrôlée.  Plus ou moins, dans les AG, cette situation lui a imposé de participer dans les « cadres » communes[10], qui proposent la continuation des occupations et de la lutte.

De l’autre côté, la PKS/KNE ne peut pas se figurer un affrontement politique au gouvernement, d’autant plus une « lutte jusqu’à la victoire ». C’est pour cela qu’elle évite soigneusement ce mot d’ordre. Son horizon se limite à son renforcement électoral.

C’est pour cela qu’elle essaie (à l’aide amiable de l’ARIS[11]) de semer la confusion, de miner la lutte, au moins là où elle a les forces pour agir ainsi :

=> Avec des bassesses et des pratiques staliniennes lors de manifestations, quand de manière systématique elle s’en prend physiquement à ses ennemis.

=> Avec des pratiques jaunes et antidémocratiques : ses membres participent de manière provocatrice aux examens et aux partiels, là où ceux-ci ont lieu. Elle change les dates et les décisions des AG à travers les comités exécutifs, qu’elle contrôle.

=> Elle s’efforce de casser les comités d’occupation et les coordinations ou de les épuiser jusqu’à l’échec.

=> Elle propage de nouveau des raisonnements-bagatelles, prétendument militantes et radicales, comme quoi « même en ce moment, nous n’avons pas une éducation gratuite et publique » (de la même manière qu’elle le faisait durant les mobilisations de Tempi, en disant « privé ou public, c’est du capitalisme »)

Tout cela, afin d’irriter les étudiants, de les provoquer, de les épuiser, de les désorienter. Afin qu’ils s’éloignent de la seule tâche qui se pose devant nous : gagner le gouvernement et stopper le projet de loi.

Par conséquent, quelles que soient les faiblesses (qui sont d’ailleurs nombreuses) des comités d’occupation, des coordinations et des autres forces de gauche dans la lutte, c’est complètement erroné de les mettre dos à dos et ainsi blanchir et « innocenter » le rôle et les agissements de la PKS/KNE, qui doivent être contrecarrés et neutralisés.

Dans ce sens, par exemple, c’est inacceptable que les forces de la NKA/NAR[12] aient quitté la coordination nationale dans la faculté de Droit le jeudi 8/02.

La combat avec le gouvernement approche un point crucial

Nos pas suivants

Le mouvement étudiant doit et peut gagner. La jeunesse, les travailleurs, les militants du mouvement ouvrier, nous devons donner toutes nos forces pour cette victoire. Nous devons aider pleinement, sans réserves, avec tous les moyens possibles, nos camarades, tous les étudiants, et plus largement les travailleurs, la jeunesse et les couches populaires pauvres de fortifier leur volonté à atteindre la victoire. Concrètement :

  1. D’imposer la continuation des occupations. La manifestation énorme de 8/02 démontre que cela est absolument possible.
  2. D’insister sur la non-participation aux examens/partiels et aux cours. Toutes les forces du mouvement doivent se prononcer sans ambiguïté la-dessus. On doit promouvoir une participation active des étudiants dans la lutte. Pas seulement une fois par semaine dans l’AG et la manifestation, mais quotidiennement.
  3. De mettre la pression à tous les syndicats, afin qu’ils se mettent en mouvement, afin qu’ils déclarent des grèves et des débrayages, qui feront participer promptement les travailleurs dans la lutte.
  4. De diffuser la lutte hors du campus universitaire : manifestations locales. Blocages de rues. Tractages massifs et interventions publiques avec enceintes portables. Des tractages dans les lieux de travail et dans les écoles. Ce plan d’action doit être simple et concret, doit être appliqué par le plus grand nombre possible. On n’a pas besoin d’une interminable « gymnastique révolutionnaire »
  5. Encore: a) faire en sorte que les AG prennent des décisions d’actions concrètes, qui seront réalisées, avec un compte-rendu dans l’AG suivante. Il ne faut pas que les AG finissent avec des propos vagues, dont reste, de fait, seulement le rendez-vous de la manifestation prochaine. b) Organiser des comités d’occupation et des coordinations massives et fonctionnelles. Les réunions doivent être communiquées et accessibles à tous les étudiants qui veulent se battre et pas seulement aux initiés.
  6. Parler dès maintenant du problème principale de la lutte, qui entre dans sa phase la plus cruciale: Même si le projet est voté par le Parlement, nous continuons avec des occupations et des manifestations pour son renversement. Il faut invalider les pensées perfides de clôturer la lutte à travers une prétendue “culmination”.

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La Lutte Etudiante Socialiste, ayant comme guide les mots d’ordre suivants

“Lutte sans arrêt, Unité dans l’action- le projet de loi ne passera pas”

“Dans la rue, peuple, tu les vaincras – Blocages, grèves, occupations”

“Dans la rue, on va casser le toupet de Mitsotakis”

consacre toutes ses forces dans les facultés, dans les AG, dans les occupations, pour la réalisation de cette politique. Pour mettre en œuvre ce plan décisif d’action, nous faisons aussi appel à coopérer dans l’action avec les forces militantes pour la continuation et le renforcement de la lutte. Jusqu’à la victoire!

Lutte Etudiante Socialiste

[1]DAP est la jeunesse du parti gouvernant, Nouvelle Democratie.

[2]Parti Communiste de Grèce

[3]Formation dirigée par Varoufakis, l’ancien ministre d’économie du gouvernement de SYRIZA en 2015.

[4]La confédération du secteur privé. La seule confédération existante, qui recouvre tous les salariés du privé.

[5]La confédération du secteur publique. Elle recouvre tous les salariés du secteur public.

[6]La fédération des enseignants du collège et du lycée.

[7]La fédération des instituteurs de l’école.

[8]C’est une fédération de tous les syndicats d’Athènes, contrôlé actuellement par le parti communiste.

[9]KNE est la jeunesse du parti communiste et PKS est le titre de sa formation électorale dans les universités.

[10]Dans les AG aux universités grecques, généralement la discussion et le vote s’organisent autour des textes-propositions, qu’on appelle « cadre », que chaque fraction politique ou étudiant de la faculté peut déposer, sans qu’il soit nécessairement élu. Ces « cadres », qui peuvent long d’une jusqu’à plusieurs pages, analysent la situation, d’où découlent un plan d’action. Des forces politiques différentes peuvent s’allier et déposer une proposition commune. Le déroulement de l’AG c’est ainsi : Il y a un topo initial pour chaque « cadre », des questions de la part des participants, un deuxième topo pour répondre aux questions, par la suite des topos libres et après le vote. Ainsi, normalement, un seul  « cadre » peut être voté, et de manière complémentaire des propositions isolées.

[11]Organisation de l’extrême gauche avec des références staliniennes, maoïstes, althusseriennes, qui mène une politique suiviste du parti communiste.

[12]Principale en taille et importance organisation d’ANTARSYA, issue d’une scission de gauche du parti communiste, après leur participation au gouvernement bourgeois aux débuts des années 1990.