Premières remarques sur le résultat des élections parlementaires en Grèce

okde

Athènes, 22.5.2023

  1. Le résultat des élections parlementaires du 21 mai est négatif et pèse lourd sur le dos des travailleurs, des couches populaires pauvres et de la jeunesse. Avec 40,8% et plus de 2,4 millions de voix (contre 39,9% et 2,25 millions en 2019), la Nouvelle Démocratie de Mitsotakis a été renforcée et a frayé son chemin vers la majorité parlementaire. Après 4 ans d’un gouvernement, qui a mené une politique de classe extrême et qui s’en est pris aux travailleurs, aux couches populaires pauvres et à la jeunesse, ce résultat électoral est une monstruosité. Il semble effacer (ou du moins tenter de le faire) toute l’usure politique antérieure de Mitsotakis et les retombées du crime ferroviaire à Tempé. Sans qu’on puisse dire que la Nouvelle Démocratie devienne tout à coup toute-puissante, ou qu’elle a régénéré la politique bourgeoise ou qu’elle a incorporé de larges masses dans son programme, son succès ne pourra pas être facilement surmonté. Ce succès peut s’avérer un obstacle très sérieux et un coup dur contre les luttes des travailleurs et des jeunes, dont la vie va encore s’empirer à cause de la poursuite de l’inflation, de la politique d’austérité, de pauvreté, de privatisation, de répression, etc.

Mis à part des raisons générales (crise du mouvement ouvrier, etc.), SYRIZA et son leader Tsipras sont presque exclusivement responsables de cette monstruosité. C’est le résultat des crimes politiques que SYRIZA a commis pendant son gouvernement (2015-2019), ainsi que les conséquences de son opposition tiède ou inexistante pendant les 4 dernières années (qui s’agissait essentiellement d’une « coalition »). Cette opposition insignifiante a été dictée par le fait que SYRIZA propose essentiellement la même politique néolibérale et pro-impérialiste que Nouvelle Démocratie.

  1. L’effondrement de SYRIZA est absolu : 20,1% et 1,18 millions de votes contre 31,5% et 1,78 million en 2019. Ce résultat (dont l’ampleur pourrait être comparée uniquement à l’effondrement de Nouvelle Démocratie et du PASOK aux élections de mai 2012) indique probablement le divorce final de SYRIZA avec des larges couches de travailleurs, de couches populaires pauvres et de jeunes. La tromperie politique que représente Tsipras s’est avérée inutile, même pour tenir le rôle du « moindre mal » vis-à-vis Mitsotakis. Nous dirions qu’il s’agit d’une punition (rétroactive), plus que juste pour les crimes politiques que SYRIZA a commis du 2015 jusqu’à aujourd’hui. Mais au-delà de donner raison aux critiques de gauche contre SYRIZA, les conséquences retombent sur les masses laborieuses et populaires.
  2. Le renforcement du PASOK (11,46% et 675 000 voix contre 8,10% et 457 000) nous conduit à la même conclusion, en ce qui concerne les principales forces bourgeoises. Il est parmi les principaux bénéficiaires de l’effondrement de SYRIZA. Cependant, à ce stade, il semble qu’il ne puisse prétendre qu’à un rôle complémentaire dans la scène politique bourgeoise.
  3. Diverses formations ultraréactionnaires ou d’extrême droite sortent renforcées ou apparaissent pour la première fois (parti de Velopoulos, NIKI, parti de Tzimeros-Kranidiotis, EAN). Ensemble, elles rassemblent un retentissant 8,4%, s’ajoutant ainsi au bloc des forces de droite et d’extrême droite contre le mouvement ouvrier (atteignant près de 50% des voix).
  4. Le niveau élevé persistant de l’abstention autour de 40 % (39 % contre 42 % en 2019) est devenu un problème pour les forces du mouvement ouvrier. Car ceux qui se sont abstenus viennent principalement des couches populaires les plus touchées et les plus pauvres, qui sombrent ainsi dans la dépolitisation et la marginalisation. Seul un fort développement des luttes peut donner un répit qui permettrait à résoudre ce problème.
  5. L’échec de MeRA25 est patent. C’est le résultat d’une politique « large » sans principes, une politique bourgeoise appuyée uniquement sur des personnalités célèbres. La leçon est claire pour tout travailleur, jeune, militant ou force politique dans les rangs du mouvement ouvrier qui peut et veut voir et entendre (et surtout apprendre de l’histoire, nationale et mondiale). Une leçon pour toutes ces forces politiques qui – comme si elles étaient plongées dans le désespoir – considéraient MeRA25 comme une version du « moindre mal », une possibilité de « représentation parlementaire des mouvements » ou la « création de la vraie gauche ». Le « réalisme » (c’est-à-dire l’abandon de la politique de gauche, l’abandon des références d’extrême gauche et révolutionnaire), le bavardage sur la « rupture » n’arrivent pas à s’enraciner parmi les masses laborieuses et populaires. Ces renoncements laissent des couches entières exposées à donner leur vote à toutes les formations improbables, comme c’était le cas cette fois-ci de Plefsi Eleftherias (dirigé par Konstantopoulou, ancien cadre de SYRIZA et président du parlement grec durant le premier gouvernement de SYRIZA en 2015). Cette politique conduit à des échecs et à des effondrements, à une marche incessante vers « l’italianisation » de la gauche, c’est-à-dire vers un affaiblissement extrême.
  6. Le succès du Parti Communiste de Grèce (KKE) est sérieux : 7,23% et 425 000 voix contre 5,3% et près de 300 000 en 2019. KKE insiste et investit dans la ligne conservatrice qu’il a esquissée surtout après 2019: il souligne le blocage actuel du mouvement ouvrier, au lieu de proposer un programme pour surmonter ce blocage. Il met en avant la « protestation », la « forte opposition », son rôle comme « soutien » du peuple, au lieu de mettre en avant une ligne politique concrète de contre-attaque du mouvement ouvrier. Ses slogans, sa campagne en général, qui deviennent de plus en plus « anti-droite » (« eux tous seuls et nous tous ensemble », passages dans les médias, etc.), ne font que compléter ce tableau. Sans aucun doute, dans cette ligne, il a réussi à se renforcer considérablement.

Comme nous l’avons noté précédemment, ce résultat du KKE n’exprime qu’en termes très vagues et de manière très oblique et déformé, un mouvement ou une recherche des masses vers la gauche. Au contraire, ce renforcement illustre, premièrement, la crise et les faiblesses du mouvement ouvrier, deuxièmement, le recul de certaines franges de l’extrême gauche devant le KKE (certaines sont allées jusqu’à voter pour lui ou sont au seuil d’adhésion).

Ce serait une énorme erreur de s’attendre à une organisation substantielle, une unification ou un renforcement des luttes des travailleurs et des jeunes grâce à la politique et les forces du KKE (certains dans l’extrême gauche commettent cette erreur). Son rôle est exactement le contraire, comme on l’a constaté là où il est renforcé ou là où il est arrivé en tête aux élections, par exemple dans le mouvement étudiant.

  1. Les formations et les groupes de l’extrême gauche ont globalement une très faible progression (d’environ 0,25% et de 15 000 voix). L’aperçu de ces forces politiques nous montre qu’électoralement (et pas seulement) elles ont subi la très forte pression du sentiment d’impasse et de frustration que l’on retrouve parmi les masses laborieuses et populaires, la pression des tendances conservatrices et la pression du renforcement des réformistes de KKE. C’est pourquoi ces forces politiques ne sont que marginalement renforcées par rapport à 2019 – et très faiblement renforcées suite à la montée relative des luttes et des mobilisations dans notre pays (dans lesquelles ces forces politiques ont sans doute joué un rôle) et dans le monde (notamment en France). En revanche, le résultat global de l’extrême gauche est actuellement de 0,86% et 50.267 voix contre 1,05% et 57.533 voix en septembre 2015. Dans ces conditions :

– Le groupe maoïste-stalinien KKE(m-l) marque à ces élections le meilleur résultat, tandis que cumulativement les deux bulletins maoïstes-staliniens (M-L KKE et KKE m-l) atteignent 0,29%, dépassant largement leur résultat conjoint de 2019 et même celui de septembre 2015 (0,19% et 0,16% respectivement).

– ANTARSYA affiche un résultat médiocre : 0,54% et 31.634 voix contre 0,41% et 23.239 en 2019. Ce résultat est encore nettement inférieur à celui de septembre 2015 (0,85 %, 46 000 voix). À notre avis, le plus gros problème n’est pas le résultat des élections elles-mêmes, mais, premièrement, le ralliement des forces d’ANTARSYA sous leur étiquette commune juste avant les élections et deuxièmement, le fait que sa campagne politique ne s’est pas démarquée pour l’essentiel de celle menée par KKE (à l’exception des thématiques secondaires), étant toujours dans une logique que « nous votons comme nous nous battons au quotidien » ou avec de vagues références au vote « anti-système».

  1. Le résultat de l’OKDE est médiocre : même pourcentage (0,03%) qu’en 2019 et légère augmentation des voix (1 946 contre 1 576). Ce résultat ne dépasse pas celui de septembre 2015 (0,04%, 2 433 voix). Notre organisation (qui s’appuie sur la plus petite base numérique et organisationnelle) a fait une campagne très forte, avec des traits nets et sans compromis politiques : avec cette campagne, malgré les nombreuses difficultés, nous avons renforcé l’influence de notre organisation, tandis que de nombreux jeunes militants ont participé avec enthousiasme, acquérant une expérience précieuse. Nous comprenons parfaitement la distance entre ces petits résultats et les exigences et les devoirs que notre époque impose. Cependant, ce sont des résultats solides, sur lesquels nous continuerons à lutter pour le renforcement des luttes – avec les travailleurs, les jeunes, les pauvres et les militants qui ont choisi de renforcer une liste communiste-ouvrière telle que OKDE, avec une référence claire à la lutte pour le Socialisme.
  2. Après la victoire de Nouvelle Démocratie, tout semble lourd et même étouffant pour le mouvement ouvrier. Cependant, même si c’est nécessaire de garder notre sérieux en évitant les analyses et les grandiloquences « victorieuses », il ne faut pas non plus plonger dans le défaitisme et le scepticisme. Le capitalisme grec et ses forces politiques reposent sur une ligne de faille majeure de crise économique, d’instabilité sociale et de polarisation. La crise du système et des forces bourgeoises se manifestera férocement, les masses ouvrières et populaires sont « obligées » de chercher un moyen de sortir de la situation actuelle – et d’organiser immédiatement leur défense et leur contre-attaque contre les coups du futur gouvernement Mitsotakis. Le facteur décisif sera le regroupement patient, persistant, unitaire et militant des rangs du mouvement ouvrier et la formation politique de nouvelles générations de militants. OKDE sera à l’avant-garde de cet effort de toutes ses forces.

Ο.Κ.Δ.Ε.

Organisation de Communistes Internationalistes de Grèce